Clients ? Actionnaires ? Collaborateurs ? Par où commencer dans cette trilogie ?

Les années consuméristes 60/70 ont privilégié le client roi et la connaissance approfondie de son identité et de ses comportements. Ce fut le temps du marketing client. Puis vint l’ère de l’actionnaire des années 80/90, consacrant simultanément ses intérêts d’investisseur et celui des marchés financiers. Ce fut le temps du marketing financier et le début de la financiarisation toujours actuelle de l’économie avec les conséquences que l’on sait.

En marge de cette histoire récente du management de l‘entreprise, les sciences humaines appliquées se sont, au cours des cinquante dernières années, intéressées aux conditions de motivation des salariés en appelant au registre des références Berne, Fayol, Maslow… Après le chien de Pavlov, c’est l’homme qui est devenu le sujet des comportementalistes visant les sources possibles de l’accroissement général de la productivité du salarié.

Bien que l’application des résultats de ces recherches ne soient pas toujours critiquable, il reste que la conception de la nature de l’homme, créature sacrée et éminemment respectable, qui les ont sous-tendues, ne répond pas à l’interrogation fondamentale du sens de la vie. En l’absence de cette vision de l’Homme, d’une diffusion rigoureuse de la vérité et de la transparence, et au-delà des bonnes intentions, le risque de manipulation est latent.

J’ai lu récemment avec intérêt l’ouvrage de Vineet Nayar, « Employees first, customers second », écrit sur la base d’une pratique devenue d’une prodigieuse pertinence dans le monde d’aujourd’hui. Le Président de la société indienne HCL qui donne ouvertement la priorité au collaborateur avant le client et même les managers, estime que la réussite durable des entreprises passe par l’engagement et la responsabilisation du personnel, en particulier celui qui se trouve positionné dans la zone de création de valeur avec le client.

Quatre grands principes résument la position du dirigeant indien :

  1. « Le miroir/miroir » : dire la vérité aux salariés sur la situation de l’entreprise et les associer à élaborer un avenir meilleur.
  2. Bâtir la confiance et partager l’information dans la plus grande transparence
  3. Inverser la pyramide en rendant le management responsable de ses actes vis-à-vis des collaborateurs
  4. « Reprofiler » le rôle du dirigeant devenu animateur des processus de changements, initiés par les collaborateurs en contact avec la réalité client.

Les deux derniers points, sans l’anéantir, relativisent le rôle du dirigeant dans la réussite financière de l’entreprise et justifie que les rémunérations devraient à ce titre trouver des niveaux plus raisonnables.

Les années 2011 et suivantes, grâce à la disponibilité en temps réel de l’information et du savoir tant pour les citoyens de tous les pays que pour les collaborateurs de toutes les entreprises, verront-elles apparaître une nouvelle forme d’appropriation et de partage de la responsabilité ?

Les dirigeants politiques comme les chefs d’entreprise n’auront-ils pas rapidement intérêt, au risque de perdre leur attractivité et leur légitimité, à vulgariser une éthique authentique et rigoureuse par leurs comportements ?

Déjà des peuples se soulèvent pour dénoncer la corruption de leurs dirigeants. Demain, ce sont les salariés qui quitteront les entreprises qui ne les respecteront pas ou qui ne leur donneront pas l’opportunité d’exprimer le sens de ce qu’ils font.

Dans mon quotidien d’entrepreneur, je rencontre des candidats de plus en plus nombreux à aspirer à des environnements d’entreprise vraies, transparentes et respectueuses qui n’ont de cesse que de donner à chacun un vrai rôle et un projet de proximité créateur de sens dans leur vie professionnelle.

La priorité accordée aux collaborateurs, qui ne doit pas être assimilée à une gestion égocentrée de nos entreprises, a des chances de devenir l’avantage concurrentiel majeur et durable des entreprises du XXIème siècle.


Pour aller plus loin

Baromètre Edenred Ipsos – Motivation et Bien-Etre des salariés Français 2011 – La rupture ? Interview vidéo d’Antoine Solom, directeur Ipsos Loyalty, 4 avril 2011, consultable sur le site Internet d’Ipsos Loyalty.

Vineet NAYAR, Employees First, Customers Second: Turning Conventional Management Upside Down, Harvard Business Press, 2010.

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Bruno Rousset
Entrepreneur et homme d’affaires